En dehors des photographies en noir & blanc (mais on pourrait légitimement objecter que ce sont deux couleurs fondamentales et uniques), l’art vit dans la couleur. Parfois elle s’efface devant le sujet comme dans les peintures anciennes, parfois elle tient la place primordiale comme chez Bonnard ou Rothko en peinture ou Gruyaert ou Steve Mc Curry en photographie. Quand aux designers et aux « writers » de street Art, ils ne négligent jamais la couleur au-delà de leur message.

Les éditeurs et les imprimeurs, alliés essentiels et indispensables des artistes, ont fait de la justesse et de la reproductibilité des couleurs un élément central de leur travail. Mais cela n’est guère facile et il a fallu organiser avec précision ces gammes.

On pourrait citer le « Colour Index » qui est une base de données américaine créée en 1925 et qui est accessible via Internet. C’est une base de données de références des couleurs manufacturées et elle est donc utilisée à la fois par les fabricants de teintures ET par les designers, architectes et artistes. Plus de 27000 produits sont proposés avec deux systèmes de classification très techniques et complexes mais redoutablement efficaces

• CIGN ou nom générique de l’index de couleur : par exemple CI Bleu Acide 9

• CICN ou numéro de constitution de l’index de couleur : par exemple CI 42535 :3 pour le CI Pigent Violet 27, cuivre ferrocyanide.

Bon, il y a de quoi lâcher prise dans la lecture car vous n’êtes sans doute ni chimiste ni teinturier (et si oui, vous connaissez déjà tout cela !).

Mais ce « Colour Index » a également une grande utilité dans les Beaux-Arts puisque chaque tube est caractérisé par une référence, qui cite tous les pigments naturels ou de synthèse dans une peinture. Cela permet pour un peintre d’art de chercher ou de retrouver une couleur précise au-delà de la marque commerciale et aussi à comparer deux couleurs ayant le même nom commercial… etc. Bref un indispensable !

Pour les designers, illustrateurs et éditeurs, c’est vers le Pantone qu’il faut se tourner. C’est une entreprise industrielle et commerciale américaine fondée en 1866. En 1960, un chimiste de Pantone a pris conscience de la grande difficulté pour les designers ET les imprimeurs de s’entendre sur des couleurs justes, en particulier pour les nuances.

La société propose alors une gamme de couleurs pures pour des impressions, constituant un vrai langage universel. Quelques couleurs au départ, des milliers de nos jours.

Les couleurs sont proposées dans un nuancier (un peu comme ceux des crayons de couleur/tubes de peinture ou des vendeurs de peintures domestiques) et surtout chaque couleur possède un nom et un code précis, ce qui permet pour un créateur de communiquer avec l’industriel et de choisir en toute sécurité artistique la couleur qu’il souhaite.

Par exemple, pour Air France les codes pantone sont.  281 C soit Oxford Blue pour le bleu, 1788C soit pigment red pour le rouge.

Le Tour de France et son si célèbre maillot jaune ont le code 123C. Enfin l’Ordre des Pharmaciens pour la croix verte correspond au Pantone 354 U….

Chaque année Pantone lance « la couleur de l’année » qui constitue de façon évidente une prescription pour beaucoup de créateurs. En 2023, c’est le « Viva Magenta » (Code 18-1750) qui d’après le texte de la Société correspond à « la nécessité d’un changement de perspective, une teinte audacieuse capable de transmettre force et courage » (sic !). En 2022 c’était le code 17-3938 ou Very Peri, un bleu avec une touche rouge-violet.

Loin des considérations techniques et commerciales, finissons par un peu de légèreté voire de poésie. Chaque code a un nom et certains sont délicieux…

Le violet d’évêque, la bisque, la cuisse de nymphe, le vert viride, le vert smaragdin (en fait émeraude), le rouge feu, le rouge alizarine et pour terminer cette mini-liste la différence entre la couleur fraise et la couleur fraise écrasée ! Comme quoi il y a une vie au-delà de la technique !