On fêtera bientôt le bicentenaire de l’apparition de la photographie avec les travaux de Niepce et Daguerre . C’est donc en France que les premières photos (bien sûr si différentes de celles que nous voyons aujourd’hui) virent le jour.
Par la suite, les grands noms de la photo furent légion dans notre pays : Cartier-Bresson, Doisneau, Depardon, Sieff, Marc Riboud, Brassaï, Ronis….et bien d’autres.
Pourtant, depuis plusieurs années, de nombreuses voix se sont élevées en direction du Ministère de la Culture pour alerter le pouvoir politique de difficultés récurrentes des professionnels. Par exemple en 2018 sous le titre « La photographie ne s’est jamais si bien portée, les photographes jamais si mal ».
Car si, avec l’omni-présence des smartphones, chacun est devenu un « photographe » ou si les expositions se multiplient chaque été y compris dans les coins les plus reculés de l’hexagone, la reconnaissance matérielle des auteurs-photographes (bref ceux qui pourraient vivre de leur art) est loin d’être acquise. Un des derniers signes décourageants est la réorganisation fin 2020 par Mme Bachelot des services du Ministère de la Culture, rétrogradant la Délégation à la Photographie (qui avait été créée par Mme Françoise Nyssen) à un simple Bureau ! Les illustres photographes doivent se retourner dans leur tombe !!
Et ce n’est pas qu’une question de dénomination car c’est bien de la reconnaissance de la photographie comme art majeur et de la nécessité de concevoir des actions pour la soutenir et la renforcer qu’il s’agit.
Crédits photos: Jean Eugène ATGET (1857-1927)
Récemment, le rapport du C.L.A.P. (Comité de Liaison et d’Action pour la Photographie) met en avant un certain dysfonctionnement dans la visibilité des photographes français. L’enquête a étudié le pourcentage de photographes français dans les expositions de 2015 à 2020, juste avant le COVID.
Dans les « petites » expositions et dans les régions, environ les deux-tiers des exposants sont français. Ainsi au Musée Niepce, 82 % des exposants sont français.
Mais lorsqu’on se tourne vers les lieux permanents ou vers les « grandes » expositions, les choses se détériorent largement.
Ainsi depuis le départ de J-L Monterosso de la Maison Européenne de la Photographie (MEP) et l’arrivée de l’anglais Simon Baker, la part des photographes nationaux a chuté de 51% à 17% ! Et ils sont relégués dans les espaces annexes. Idem pour le BAL, grande structure parisienne. Aux Rencontres d’Arles, depuis la nomination de Christoph Wiesner, les photographes français se contentent de 23% ces 8 dernières années. On pourrait dire la même chose du festival Visa pour l’Image de Perpignan ou du Musée du Jeu de Paume de Paris (moins du tiers de la programmation). Bref une sorte de concept de mondialisation culturelle qui présentent autant de qualités (connaître de nouveaux artistes lointains et différents) que de défauts (mettre de côté les artistes locaux).
Ces institutions qui délaissent clairement les artistes français ont en commun d’être subventionnées parfois largement par le Ministère de la Culture. Ainsi les Rencontres d’Arles reçoivent plus de 30% de leur budget en subvention publique, ou la MEP qui a bénéficié de 350.000 euros de la part de la mairie de Paris pour un nombre d’entrées limité. Il est d’ailleurs très difficile de découvrir le montant et le pourcentage des subventions publiques sur les sites des institutions. Surprenant, cette non transparence ?
Concernant les « lieux qui comptent pour le public », la conclusion n’est pas fameuse. Mais l’Art n’a pas de frontières. Les photographes étrangers exposés sont très souvent de qualité et par ailleurs les artistes français sont exposés dans les galeries et expositions ailleurs dans le monde.
Il ne s’agit bien sûr pas de créer des quotas. Ce serait contre-nature.
Mais dans un monde de l’art si concurrentiel, favoriser régulièrement les productions françaises ne serait sans doute pas un luxe. Commissaires et Directeurs, merci de ne pas limiter la photographie française à Raymond Depardon ou Henri Cartier-Bresson. Essayez de faire découvrir des talents méconnus. Ne faites pas que du vedettariat. Et le public sera sans doute autant présent.