Les adeptes des clubs photos n’en croiront pas leurs yeux… De toute évidence Saul Leiter aurait été tout de suite recalé avec des cadrages « mal ficelés », des personnages « coupés », des « obstacles » cachant une partie de la photo. Non Saul Leiter n’est pas un photographe traditionnel et c’est tant mieux… Car quelles ambiances, quelle poésie, quel mystère, quels cadrages, bref quels chefs d’oeuvre exposés au Palais de l’Archeveché d’Arles, durant ces Rencontres Photos 2023.

Cent cinquante photos (mais aussi dessins et peintures) pour montrer l’étendue de cet artiste profondément original et donc unique.

Saul Leiter a d’abord été peintre, version expressioniste abstrait façon Vuillard ou Sérusier. Et cette façon de faire influencera totalement son art photographique ultérieur.

Pourtant c’est avant tout comme photographe de mode, travaillant pour les grands magazines comme Harper’s Bazaar, Elle ou Vogue que Leiter trouva pendant 40 ans sa célébrité (et son gagne pain..).

Mais sa renommée actuelle (qui a été très tardive dans sa vie, heureusement longue (puisqu’il devra attendre 83 ans ! pour que son livre « Saul leiter, early Color » crée sa célébrité) ) vient de sa façon de voir et de montrer la ville de New-York, dans laquelle il habite depuis ses 23 ans… et jusquà sa mort à 89 ans, en 2013. Déjà, comme en peinture, sa vision est surtout en couleurs, contrastant avec le standard de l’époque qu’était le N&B. Mais c’est souvent la couleur noire qui domine par des cadrages pour le moins audacieux ne laissant à la couleur forte que peu de place, mais quelle place… saturée, forte, marquante. Le sujet est également traité de façon novatrice. Le plus souvent des fragments de personnages, grossièrement coupés comme par erreur, mais formant de véritables tableaux. Et les cadrages procurent une marque reconnaissable à beaucoup de ses clichés avec ces plans multiples, ses découpages de l’espace. Et le flou est fréquent, procurant cette sensation de mystère, de questionnement qui fait aussi sa marque. Il a d’ailleurs dit « Il me semble que des choses mystérieuses peuvent prendre place dans des lieux familiers ».

New-York est une ville particulièrement apte à la photographie. Sa vie si dense, ses couleurs présentes même et surtout sous la pluie et en hiver, sa population si diverse, tout est là pour que Big Apple soit un lieu incontournable pour les photographes. Alors quand on s’appelle Saul Leiter et qu’on y vit, quel spectacle offert dans cette exposition.

Et si vous ne pouvez aller en Arles ou que ce soit trop tard, achetez son livre « The unseen Saul Leiter » sorti en 2022 et redoutablement superbe.